Il s’agit d’un projet inutilement pharaonique : les plus hautes écluses d’Europe, hautes comme un immeuble de 10 étages, une saignée de 50 m de profondeur sur des kilomètres, trois ponts-canaux dont un de 1,3 km de long, des dizaines de ponts à reconstruire, des installations de pompage énormes… À cela se rajoute une hyper-mégabassine de 14 millions de m3 entourée d’un véritable barrage de 42 m de haut. Le budget du projet est gigantesque. Il dépasse déjà les 5 milliards d’euros. Comme tout mégaprojet (Flamanville, l’opéra de Paris, le tunnel sous la Manche, la liaison Lyon-Turin …), le cout réel après travaux devrait encore doubler. Il faut donc s’attendre à ce que ce projet coute à la collectivité plus de 10 milliard d’euros! 10 milliards d’argent gaspillé à l’heure où l’on nous vole nos retraites sous prétexte de quelques milliards!
Concrètement, il s’agit bien d’un gaspillage, car le CSNE contrevient aux exigences de gabarit imposées par l’Union Européenne. En effet, l’UE subventionne la construction du CSNE car il est censé permettre le passage de convois au gabarit V, soit 4400 t. mais les convois de cette taille seront dans l’impossibilité d’accéder au canal. En effet, les ponts de Compiègne les empêcheront de passer par le sud, malgré le projet MAGEO, tandis, qu’au nord, le canal de l’Escaut leur est interdit. Par conséquent, les convois seront limités à un maximum de 1500 à 2000 tonnes. Un rapport de la Cour des Comptes Européenne dénonce bien les dépassements de budget et de délais du projet, mais il ne mentionne pas ce manquement, alors qu’il rend caduc l’achèvement du réseau de transport de l’UE. Quelle sera la réaction de l’UE lorsqu’elle réalisera que le CSNE n’est pas conforme à son cahier des charges initial? Il faut s’attendre, à minima, à ce que le pont de Solferino (actuel pont louis XV) soit, tôt ou tard, détruit. Cela va défigurer la ville historique de Compiègne, la transformant en vulgaire plateforme logistique.
D’autre part, les prétendus avantages économiques et écologiques apportés par le CSNE sont fondés sur des hypothèses fantaisistes et irresponsables. Par exemple, le projet se base sur des prévisions de croissance de « 1,9 à 2,2 % par an jusqu’en 2030, puis de 1,6 % jusqu’en 2050 ». Or, pour respecter un réchauffement planétaire maximum de +1,5 °C, il est impératif de réduire notre empreinte carbone de 5% par an! Toute hypothèse de croissance est ainsi irresponsable face aux défis du changement climatique. De plus, étant donné le marasme économique actuel, penser qu’une croissance régulière est encore possible en Europe relève davantage d’une croyance religieuse que d’une réflexion sérieuse.
En outre, l’argument écologique en faveur du CSNE ne tient pas si l’on aborde le sujet de façon sérieuse. Le CSNE est censé détourner 3% du trafic routier de l’A1 en faveur de la voie fluviale. Or l’A1 étant déjà saturée, Les 3% du trafic seront comblés en un instant. Par contre, le canal va nuire au ferroutage, qui est une option de transport bien plus écologique que le transport fluvial. En fin de compte, si le CSNE a un impact sur le climat, ce sera bien dans le sens de sa dégradation.