Le Canal Seine-Nord-Europe, un grand projet inutile et destructeur !
De quoi s’agit-il ?
Le CSNE doit être tracé entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut, sur 107 km de longueur, 54 m de largeur. Il doit permettre le passage de porte-conteneurs entre Paris et les grands ports de la mer du Nord (Anvers, Rotterdam, notamment) et constituer une « autoroute fluviale ». Le financement nécessaire (plus de 5,1 milliards d’euros à ce stade) sera entièrement public. Il n’a par ailleurs pas de sens sans la réalisation d’un autre projet destructeur, le projet MAGEO (Mise au Gabarit Européen de l’Oise)…
Un projet profondément destructeur
Les pouvoirs publics s’en vantent : c’est « le chantier du siècle ». D’une autre époque, sans aucun doute. Les compensations évoquées n’y changeront rien : des espaces naturels, y compris forestiers seraient détruits ou profondément altérés le long de la partie sauvage de l’Oise, entre Compiègne et Noyon. Et ce malgré leur classement en Zone de Protection Spéciale. Des espèces sensibles et protégées y vivent encore : le martin-pêcheur, le râle des genêts, le busard des roseaux, le cuivré des marais (un papillon rare et magnifique…), des poissons migrateurs comme la grande alose et les quelques rares et courageux saumons. Ce sont aussi des lieux bucoliques qui ont marqué, marquent et marqueront les générations et auxquels beaucoup d’entre nous sont attachés.
A Compiègne et en aval, pour « mettre au gabarit » la rivière, il est prévu de « détruire » toutes les îles, y compris l’île aux Rats, « d’aménager » les berges encore naturelles pour élargir les surfaces navigables. Le ballet de conteneurs remplis de produits jetables remplacerait celui des mouettes et des cormorans ? Le sort du pont ancien n’est pas encore connu. Autour du canal, de nouvelles zones logistiques intermodales sont prévues, avec là encore une artificialisation massive de sols.
Et l’eau, dans tout ça ? Une ressource encore inépuisable ?
L’alimentation du canal proviendra de l’Oise et de l’Aisne, fragilisant un peu plus leur étiage. Pour les périodes de sécheresse, de plus en plus fréquentes, une bassine géante sera construite, devant contenir plus de 14 millions de mètres cubes, au détriment de l’alimentation des nappes phréatiques. Les tensions autour de l’usage de l’eau ne font que commencer…
Un projet qui permettra de diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, vraiment ?
60 % du trafic du canal proviendraient de la route (soit 3 % du fret routier existant sur les axes concernés), et 40 % du rail (soit 15 % du fret ferroviaire existant) : un transfert sans intérêt écologique, alors que le réseau ferré est loin d’être saturé et que toute désaturation d’une A1 déjà saturée libère de la place pour de nouveaux camions. En revanche, le report du rail vers le fluvial augmente fortement les émissions de gaz à effet de serre.
Au-delà de ça, il s’agit d’une infrastructure qui participerait de la fluidification et de l’augmentation des échanges mondiaux, et donc des émissions associées : à l’heure de la « relocalisation » des économies, est-ce vraiment pertinent de faciliter l’importation de produits en provenance de pays sans règlementation environnementale et sociale exigeante et d’augmenter notre dépendance économique vis-à-vis de ceux-ci ?
Un projet créateur d’emploi, vraiment ?
Ses promoteurs, selon les sources et l’humeur du jour, nous annoncent la création de 5 000 à 50 000 emplois en 2050. Au-delà du chantier, les emplois créés compenseront-ils les emplois détruits dans le transport ferroviaire ou dans les industries locales dont la production sera soumise à plus forte concurrence ? Il est sans doute trop tôt pour le dire mais, en Belgique, le récent canal Albert n’a à ce stade créé aucun emploi pérenne.
Les travaux ont à peine commencé et doivent s’étaler sur dix ans au moins. Depuis dix ans, en France, aucun grand projet inutile et destructeur n’a réussi à se concrétiser : tous ont été vaincus par les oppositions locales.
Il est encore temps d’arrêter ce projet déraisonnable, conçu avec un simulacre de concertation,
de travailler à relocaliser vraiment nos économies et de protéger une vallée sauvage et de caractère, où humains et nature vivent encore, parfois, en harmonie.