Nos actions en justice

le 9 décembre 2024 nous avons déposé un recours en annulation contre l’autorisation environnementale sur les secteurs 2 à 6, signée début aout 2024.

Ce recours porte sur plusieurs irrégularités, aussi bien sur le fond (espèces protégées oubliées dans les inventaires, non prise en compte sérieuse du réchauffement climatique …) que sur la forme (non-respect des directives sur les compensations écologiques, absence de recherche sérieuse de solutions alternatives dans la démarche ERC …).

Les illégalités que nous dénonçons ne masquent en rien le coût exorbitant de ce projet (récemment monté à 8 milliards d’euros avant travaux) et son absence de financement (limité actuellement à environ 50%).

vous pouvez télécharger notre communiqué de presse, et le résumé du recours.

Résumé du recours

Le recours est un mémoire introductif d’instance présenté devant le Tribunal administratif d’Amiens par les associations Protection du territoire Seine-Escaut (PTSE) et Nord Nature Environnement (NNE), représentées par leurs avocats, Maître Elohane Durand et Maître Samuel Delalande. Les associations contestent un arrêté préfectoral du 9 août 2024 autorisant la construction et l’exploitation des secteurs n°2 à 6 du canal Seine-Nord Europe (CSNE) de Passel (Oise) à Aubencheul-au-Bac (Nord).

Recevabilité du recours : Les associations ont un intérêt à agir et ont respecté les délais de recours.

Les associations demandent l’annulation de cet arrêté pour plusieurs raisons :

  1. « Illégalité externe » de l’arrêté, l’illégalité sur le fond :
    1. Absence d’évaluation globale des incidences sur l’environnement.
      Le dossier ne porte que sur les seuls secteurs 2 à 4 du projet, ne permettant pas son appréhension dans son ensemble (tous les secteurs, plus les ports intérieurs, plus l’évolution des canaux, les rétablissements ferroviaires, le remembrement sur 70000 ha …).
    2. Insuffisance de description de l’état initial de l’environnement.
      Au moins une dizaine d’espèces animales protégées, autre que des oiseaux (une trentaine d’espèces protégées), et une vingtaine d’espèces végétales ne sont pas mentionnées alors qu’elles ont été observées récemment sur le parcours.
    3. Absence de prise en compte de la vulnérabilité du projet au changement climatique.
      Le CNPN, lui-même, dénonce l’absence de prise en compte du changement climatique. La SCSNE se base exclusivement sur des données passées, en prenant, par exemple, la sècheresse de 1976 comme un maximum possible. Ils n’ont pas imaginé la perspective de sécheresse longue sur deux années de sécheresse estivale consécutives avec des pluies faibles entre ces deux étés. Ils s’appuient sur un réchauffement de 1,4°C maximum.
    4. Insuffisance de l’étude socio-économique.
      L’étude socio-économique repose sur des hypothèses irréalistes (croissance +1,6%/an jusqu’en 2070) et irresponsables à l’égard du réchauffement climatique, et des données obsolètes (prévisions actualisées en 2014 sur la base d’une étude de 2004).
      Aucune étude de marché précise des utilisateurs de la voie d’eau n’est fournie, alors que le bilan se fonde sur un pur modèle d’offre. Le sujet des dessertes ferroviaires des ports intérieurs n’est pas traité, non plus que ses conséquences sur l’attractivité de la voie d’eau.
      La rentabilité du CSNE s’appuie sur une croissance du trafic routier de +0,88%/an jusqu’en 2070, ce qui n’empêche pas la SCSNE de prétendre participer à sa réduction.
      Le caractère insuffisant de l’étude socio-économique est renforcé par l’absence de toute contre-expertise économique pourtant requise dès lors que le projet dépasse le seuil de 100 000 000 euros HT.
  1. « Illégalité interne » de l’arrêté, l’illégalité sur les aspects réglementaires :
    1. Non-respect des conditions de délivrance d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées.
      L’arrêté préfectoral contesté ne respecte pas les trois conditions cumulatives nécessaires pour déroger à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées, à savoir :
          1) Absence de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) : Le projet ne démontre pas clairement qu’il répond à une RIIPM. Les prévisions de trafic et les bénéfices économiques sont jugés surévalués et non prouvés.
      Aucun chiffre ne nous assure que la voie fluviale va se substituer au transport routier.
      Le projet est vanté comme un projet multimodal visant à réduire les camions sur la route mais les raccordements ferroviaires n’ont pas été prévus.
      La projection à 2070 considère comme réalisées des évolutions radicales, notamment le remplacement des ponts historiques parisiens, ce qui n’est a priori pas réaliste
          2) Absence de descriptions de solutions alternatives satisfaisantes :
      Aucune solution alternative n’inclut de demandes d’un accès renforcé à la ressource en eau du fait des effets du changement climatique, ni du rôle potentiel de convoyeur d’eau du canal
          3) Absence de garantie sur le maintien des espèces dans un état de conservation favorable :
      En 2022, avis défavorable du CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature), qui s’appuie également sur les demandes non satisfaites de l’OFB (Office Français de la Biodiversité) et de l’Ae (Autorité Environnementale). Il n’y a aucune proposition de désartificialisation, uniquement des compensations sur des milieux déjà naturels.
    2. Non-respect de la réglementation sur l’eau, sur plusieurs aspects :
          1) Directive cadre sur l’eau :
      Le projet n’a pas défini précisément l’ampleur de la dérogation demandée à l’atteinte de la qualité de l’eau. L’autorité environnementale et la commission d’enquête ont exprimé des préoccupations concernant l’impact du projet sur la qualité des eaux et le non-rétablissement de certains cours d’eau.
        2) Protection des aires d’alimentation des captages :
      Le dossier ne prend pas en compte les impacts indirects du projet sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable. Les modifications des infiltrations et drainages pourraient inclure de nouvelles zones polluées ou des pollutions accidentelles (accident de péniches transportant des matières dangereuses par exemple) dans les aires de captage, affectant la qualité de l’eau.
    3. Non-respect de la réglementation relative aux zones humides.
      La préservation et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt général. Le projet affecte des zones humides importantes, riches en biodiversité, situées dans les vallées de l’Oise, de la Somme et de la Sensée. Ces zones comprennent des tourbières, marais et étangs, ainsi que des habitats naturels d’intérêt communautaire.
      Insuffisance des mesures de compensation : Les ratios de compensation proposées pour les zones humides sont jugés insuffisantes et inappropriés par l’OFB. L’Office critique notamment l’utilisation du terme « création » de zones humides, la création de zones humides étant vouée à l’échec. Il ne devrait être question que de « restauration », qui, de plus, doit être antérieure ou concomitante aux impacts.
    4. Non-respect de la réglementation relative au défrichement.
      L’arrêté préfectoral prévoit des mesures de compensation qui ne respectent pas les directives du ministère de la transition écologique. Les compensations doivent être réalisées avant ou en même temps que les défrichements, ce qui n’est pas le cas ici.